Fibres identitaires

Tisser le passé au présent ou l’art d’être Métis

Photo: Andréanne Joly

Photo: Andréanne Joly

Cette histoire de mode, d’entrepreneuriat et de conscience sociale prend racine il y a environ 200 ans, autour de la rivière Rouge. À l’époque, l’immense territoire s’étendant à l’ouest du lac Winnipeg s’appelait les Territoires du Nord-Ouest et le peuple métis y vivait.

Fleurs des Prairies, près de Broadview, district d'Assiniboia. Edward Roper, aquarelle avec gouache sur crayon sur papier vélin couché, 187. Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1989-446-31.

Fleurs des Prairies, près de Broadview, district d'Assiniboia. Edward Roper, aquarelle avec gouache sur crayon sur papier vélin couché, 187. Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1989-446-31.

Sur les berges de la rivière Rouge fleurissaient autrefois de délicates anémones des prairies, des armoises de l’Ouest, des barbons de Gérard et des muhlembergias dressées.

Inspirées par cette flore, les Métisses et leurs aïeules anichinabées enjolivaient les mocassins, les manteaux, les gants, les sacs de cuir avec du fil, des perles ou des piquants de porc-épic, les colorant de blanc, de jaune, de bleu, de mauve et de rouge. Ceci valut au peuple métis le surnom de «gens du perlage floral».

Catherine Lacerte était du nombre. Sur les vêtements, elle brodait des fleurs sauvages qui rappelaient les berges des rivières où circulaient ses grand-mères. Son style délicat, lui, rappelait l’Europe d’où venaient ses grands-pères.

Née en 1843 de parents métis, Catherine Lacerte apprit à perler lorsqu’elle était enfant, puis, dans les écoles dirigées par des religieuses canadiennes françaises, les techniques de broderie.

Fleurs des Prairies, près de Broadview, district d'Assiniboia. Edward Roper, aquarelle avec gouache sur crayon sur papier vélin couché, 187. Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1989-446-31.

Fleurs des Prairies, près de Broadview, district d'Assiniboia. Edward Roper, aquarelle avec gouache sur crayon sur papier vélin couché, 187. Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1989-446-31.

Sur les berges de la rivière Rouge fleurissaient autrefois de délicates anémones des prairies, des armoises de l’Ouest, des barbons de Gérard et des muhlembergias dressées.

Inspirées par cette flore, les Métisses et leurs aïeules anichinabées enjolivaient les mocassins, les manteaux, les gants, les sacs de cuir avec du fil, des perles ou des piquants de porc-épic, les colorant de blanc, de jaune, de bleu, de mauve et de rouge. Ceci valut au peuple métis le surnom de «gens du perlage floral».

Catherine Lacerte était du nombre. Sur les vêtements, elle brodait des fleurs sauvages qui rappelaient les berges des rivières où circulaient ses grand-mères. Son style délicat, lui, rappelait l’Europe d’où venaient ses grands-pères.

Née en 1843 de parents métis, Catherine Lacerte apprit à perler lorsqu’elle était enfant, puis, dans les écoles dirigées par des religieuses canadiennes françaises, les techniques de broderie.

En 1862, la première enseignante métisse de la colonie de la rivière Rouge épousa Joseph Mulaire, un coureur des bois et courrier qui avait quitté son Yamaska natal pour tenter sa chance dans l’Ouest.

À son arrivée dans la colonie, Joseph Mulaire portait vraisemblablement une saencheur flechey, une ceinture fléchée, inspirée des techniques de fléchage des Autochtones, mais aussi de la tradition canadienne française. Dès la fin des années 1700, à la signature de leur contrat avec les compagnies de traite des fourrures, les voyageurs du Bas-Canada recevaient une ceinture tissée, ainsi qu’une couverture, des bas de laine et des pantalons.

Faite de laine de mouton, la ceinture fléchée était avant tout utilitaire : elle fermait le manteau, servait de harnais pendant les longues journées de canot et les portages et aidait à soutenir les lourdes charges. Jusque vers 1850, ces ceintures étaient tout rouge. Les ceintures colorées Coventry apparurent ensuite. 

Avec des coureurs des bois bien établis dans l’Ouest, les ceintures fléchées devinrent monnaie courante dans l’Ouest. 

Pêche d'hiver sur la glace des rivières Assiniboine et Rouge. Peter Rindisbacher, aquarelle sur papier, 1821, Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1988-250-31

Pêche d'hiver sur la glace des rivières Assiniboine et Rouge. Peter Rindisbacher, aquarelle sur papier, 1821, Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1988-250-31

Pêche d'hiver sur la glace des rivières Assiniboine et Rouge. Peter Rindisbacher, aquarelle sur papier, 1821, Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1988-250-31

Pêche d'hiver sur la glace des rivières Assiniboine et Rouge. Peter Rindisbacher, aquarelle sur papier, 1821, Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1988-250-31

En 1862, la première enseignante métisse de la colonie de la rivière Rouge épousa Joseph Mulaire, un coureur des bois et courrier qui avait quitté son Yamaska natal pour tenter sa chance dans l’Ouest.

À son arrivée dans la colonie, Joseph Mulaire portait vraisemblablement une saencheur flechey, une ceinture fléchée, inspirée des techniques de fléchage des Autochtones, mais aussi de la tradition canadienne française. Dès la fin des années 1700, à la signature de leur contrat avec les compagnies de traite des fourrures, les voyageurs du Bas-Canada recevaient une ceinture tissée, ainsi qu’une couverture, des bas de laine et des pantalons.

Faite de laine de mouton, la ceinture fléchée était avant tout utilitaire : elle fermait le manteau, servait de harnais pendant les longues journées de canot et les portages et aidait à soutenir les lourdes charges. Jusque vers 1850, ces ceintures étaient tout rouge. Les ceintures colorées Coventry apparurent ensuite.

Avec des coureurs des bois bien établis dans l’Ouest, les ceintures fléchées devinrent monnaie courante dans l’Ouest. 

 Quelques générations plus tard — pas tout à fait sept —, Andréanne Dandeneau et Miguel Vielfaure portent fièrement l’héritage de leurs ancêtres.

De Catherine à Andréanne : l’histoire d’Anne Mulaire

Quand Andréanne Dandeneau a lancé sa collection de mode, il y a 20 ans, elle voulait qu’elle lui ressemble. Son père lui a montré une broderie délicate, œuvre de son ancêtre Catherine Mulaire. 

«Elle avait brodé cette super belle vigne, raconte-t-elle. Quand j’ai vu ça, je me suis dit : “c’est mon brand”. Ça vient de mon sang, c’est d’où je viens.» 

Ce fleurage, «des fleurs qu’elle retrouvait proches de la rivière Seine», est devenu la «vigne de Catherine» pour sa marque de mode, Anne Mulaire.

Dans sa fabrique, à un jet de pierre de la rivière Rouge, Andréanne Dandeneau a formé une équipe toute féminine - exception faite de son père, l’artiste derrière la majorité des fleurages qui ornent les vêtements d’Anne Mulaire.

Item 1 of 3

Elle a vite remarqué la très forte présence des hommes dans l’univers du design. «Dans ma carrière de 20 ans, j’ai dû me battre, j’ai dû dire “je vaux quelque chose”», fait-elle valoir. Elle a donc mis un point d’honneur à embaucher des femmes qui voulaient faire carrière en mode et à les former pour des postes traditionnellement masculins - à la coupe des tissus, par exemple. 

«Je suis fière de dire au monde qu’on est toute une équipe de femmes.»

Inspirée par des valeurs autochtones de respect de la nature, Anne Mulaire soutient une économie la plus circulaire possible. Elle récupère les retailles, revend les vêtements qu’elle a créés et vise à embaucher de façon la plus éthique possible. La marque achète le fil en Inde, au Pakistan ou en Turquie. La transformation en textile se fait au Canada, où l’âge d’embauche, les salaires et les conditions de travail sont réglementés.  

«Je suis très écolo, je suis très fière d’être femme entrepreneure, puis je suis très fière d’être Métis. Tout ça, tout est interrelié. C’est fait au Canada, c’est environnemental, c’est Métis. Les trois, c’est moi.»

De l’utile à l’identitaire : l’histoire d’Étchiboy

À l’époque où Andréanne Dandeneau rêvait de se lancer sa griffe, Miguel Vielfaure était guide interprète au Festival du Voyageur de Winnipeg. Il revêtait un costume historique authentique, «except pour la ceinture, qui était en polyester».

Miguel Vielfaure cherchait une ceinture «faite de la vieille manière», sur un métier, en vraie laine. «Puis c’était juste pas disponible», se souvient-il.

En voyage à Chinchero près de Cuzco, au Pérou, il a rencontré des gens qui tissaient. Leurs patrons rappelaient les ceintures fléchées. De cette rencontre et de son envie d’avoir une vraie saencheur flechey est né Étchiboy - «Eh, p’tit boy» en mitchif.

Miguel Vielfaure s’est associé à ce collectif de tisseuses quechuas — à l’origine composé de mères monoparentales — qui produisent depuis des ceintures à la mode de la fin des années 1800. Cette fabrique assure 90 % de la production d’Étchiboy. La laine y est produite et teinte, les employées tissent des ceintures et fabriquent des bottes. Comme les Métis du Nord, elles brodent des fleurs sur des sacs à main et des bottillons.

Item 1 of 3

Les aspects culturels et sociaux sont d’égale importance pour Miguel Vielfaure. 

«Il y a des manières beaucoup plus faciles de faire de l’argent, admet-il. Si tu veux faire de l’argent en aidant des gens, tu as plus de défis, mais plus de récompenses aussi.»

Les berges des rivières ont bien changé, depuis l’époque où les aïeules d’Andréanne Dandeneau et de Miguel Vielfaure brodaient des fleurages. Le peuple métis aussi. S’il s’est fait discret pendant des décennies. Aujourd’hui, il s’affiche et porte fièrement l’héritage des ancêtres.

L’HISTOIRE MÉTIS EN LUMIÈRE À WINNIPEG

La Fourche

Photo: Travel Manitoba

Photo: Travel Manitoba

La Fourche, c’est là où la rivière Assiniboine et la rivière Rouge se croisent. C’est le berceau de Winnipeg et une destination incontournable, selon Miguel Vielfaure et Andréanne Dandeneau. 

Pendant des millénaires, ce fut un lieu de rencontre pour les Anishinabés, les Cris, les Dakotas et les Nakodas. Pierre Gauthier, Sieur de La Vérendrye, y établit un premier fort de traite en 1738. 

C’est là où se formèrent des familles métisses, fruits de l’union des voyageurs canadiens et des Autochtones. Ce fut ensuite la colonie de la rivière Rouge, territoire de la Compagnie de la Baie d’Hudson, puis le point de passage des trains chargés d’immigrants. 

Aujourd’hui, un marché, des boutiques locales et des musées animent la Fourche. De là, l’esplanade Riel mène à Saint-Boniface.  «C’est beau. Il y a des nouvelles choses qui se passent tout le temps là», dit Andréanne Dandeneau. 

«C’est une façon de voir l’histoire», ajoute Miguel Vielfaure. 

L’hiver, on peut même patiner sur l’eau de la rivière.

Musée canadien pour les droits de la personne

CANADIAN MUSEUM FOR HUMAN RIGHTS, photo by Ian McCausland

CANADIAN MUSEUM FOR HUMAN RIGHTS, photo by Ian McCausland

On ne peut pas aller à Winnipeg sans voir le Musée canadien pour les droits de la personne. Situé à la Fourche, il domine l’horizon de Winnipeg. Une section du musée est consacrée aux Métis. 

«Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’histoire. C’est super, c’est bien fait», remarque Andréanne Dandeneau. 

«C’est vraiment bien, mais c’est sur les injustices», avise Miguel Vielfaure, rappelant que le thème est parfois lourd.

Le musée propose une exploration profonde et troublante des luttes pour les droits de la personne et de leurs victoires, ce qui en fait une destination phare à Winnipeg. C’est aussi le seul musée national à l’est d’Ottawa.

Musée du Manitoba et Musée de Saint-Boniface

Manitoba Museum. Photo: Travel Manitoba

Manitoba Museum. Photo: Travel Manitoba

Pour Miguel Vielfaure, le Musée du Manitoba est un bijou qui raconte l’histoire du Manitoba, de la préhistoire à aujourd’hui. Toute une section est consacrée à la Compagnie de la Baie d’Hudson, avec, en son cœur, une reproduction du navire Nonsuch

«C’est l’histoire du Manitoba, ce qui inclut l’histoire métisse, avec l’époque où les Métis étaient en charge et quand le gouvernement a détruit des villages complets», précise-t-il. 

Pour en savoir plus sur l’histoire des Métis et de Louis Riel, ainsi que l’histoire des francophones de Saint-Boniface, il suggère de visiter le Musée de Saint-Boniface.

Museum St. Boniface. Photo: Tourism Winnipeg

Museum St. Boniface. Photo: Tourism Winnipeg

Musée d’art de Winnipeg

Photo: Salvador Maniquiz /Tourism Winnipeg

Photo: Salvador Maniquiz /Tourism Winnipeg

Pour sa part, Andréanne Dandeneau a un coup de cœur pour le Musée des Beaux-Arts de Winnipeg. 

«Ils ont toujours quelque chose de nouveau, c’est le fun, dit-elle. Ils amènent toujours des artistes d’ailleurs. Il y a des artistes de Winnipeg qui font des installations aussi. On montre de l’art et de la mode. C’est trop bien.»

Andréanne Joly

Andréanne Joly aime explorer, fouiller et faire découvrir la francophonie canadienne et ses espaces touristiques. Elle le fait depuis 20 ans et le ferait encore 100 ans! Par leur richesse, leur beauté et leur diversité, les destinations canadiennes ne cessent de l’épater. À titre de journaliste et de rédactrice, elle collabore régulièrement avec NorddelOntario.ca, l’Alliance du tourisme culinaire, Francopresse.ca, le journal L'Express, etc.