Des falaises, des rapides et des cavernes

Regards humains le long de la Route Champlain de l'Ontario

"I am such in a happy place right now!

Claudia Van Wijk flotte doucement sur la rivière des Outaouais. C’est la fin d’une chaude journée de septembre dans son coin de paradis. 

Autrefois championne de kayak, toujours copropriétaire de OWL Rafting, Claudia a passé la majeure partie de sa vie sur cette rivière. Aujourd’hui, c’est la rivière des Outaouais; il y a 10 000 ans, c’était le bras ouest de la mer de Champlain. 

Les paysages environnants, avec leurs eaux patrimoniales et une géologie fascinante, fait partie de la Route Champlain, un parcours panoramique de 1200 km sur les traces de l’explorateur Samuel de Champlain, dans son expédition de 1615.

Le paysage est saisissant, et son histoire, ancrée dans les cultures autochtones et françaises, est captivante. Partout, ces bribes de temps, intouchées, permettent de remettre l’humain en contexte.

"C’est le Bouclier canadien", explique Claudia Van Wijk, qui explique la région comme le font les guides d’OWL rafting. 

"Il y a deux millions d’années, je pense, les montagnes autour d’ici étaient plus hautes que l’Himalaya l’est aujourd’hui. Et quatre périodes glaciaires plus tard (la dernière étant il y a 10 000 ans), les glaciers ont sculpté le granit et formé la mer de Champlain. Ici, l’eau était salée."

La rivière des Outaouais est un vestige de la mer de Champlain, ainsi nommée en 1906. Elle atteint une profondeur de 90 mètres, elle est encore plus profonde que l’imposant fleuve St-Laurent qu’elle rejoint au sud. Autour du lac du Rocher fendu, "c’est tout un canyon", ajoute Claudia. Ici, des falaises garnies d’arbustes à bleuets s’élèvent d’une douzaine de mètres.

La présence humaine remonte au moins à deux millénaires. La rivière a été un important site de pêche et une importante route pour les Algonquins. Puis, il y a 400 ans, les Européens ont commencé à l’emprunter pour transporter des fourrures. 

"Il passait environ 50 canots par jour, ici, lance Claudia, le regard fixé sur le cours d’eau. Peux-tu imaginer?"

Au cours des 200 dernières années, la puissance de la rivière a servi à l’industrie forestière, puis à la production d’hydroélectricité. L’Outaouais serait l’hôte d’une quarantaine de barrages.

Le lac du Rocher fendu en est, en quelque sorte, le résultat. Sa formation existait déjà, mais le barrage Chenaux, quelque 2 km plus bas, a inondé les rives et englouti quelques rapides. "Même les locaux se souviennent qu’en plein où l’on est, il y avait de gros rapides", dit Claudia.

Des rapides assez forts pour que les Premiers Peuples préfèrent emprunter les longs et laborieux portages. Champlain y aurait même perdu son astrolabe, ce qui a marqué l’imaginaire régional.

Claudia fait aujourd’hui traverser une partie des rapides que Champlain et les Premiers Peuples ont voulu éviter, par l’entreprise que ses parents ont établi et qu’elle confie maintenant à ses filles. 

"Il y a 400 ans, il y avait les voyageurs, il y a 200 ans naissait l'industrie forestière et aujourd'hui, il y a ce que nous appelons l'industrie du caoutchouc. Des rafts de caoutchouc."

Claudia Van Wijk: En ses propres mots (en anglais)

À une quarantaine de kilomètres au sud, Chris Hinsperger offre un tout autre type d’Expérience, elle aussi façonnée par la mer de Champlain.

Lorsque les eaux de la mer de Champlain se sont retirées, elles ont laissé des traces et creusé des tunnels qui ont protégé des fossiles. La majorité d’entre eux remontent, à l’Ordovicien, soit à 440 millions d’années – bien avant l’apparition des poissons ou des dinosaures. Ce sont aujourd’hui les Bonnechere Caves.

Chris fait visiter des cavernes où l’on remonte dans le temps. 

Chris Hinsperger: En ses propres mots (en anglais)

"Je ne suis pas un géologue," précise Chris. "J’absorbe la géologie. Quand je rencontre quelqu’un qui en connaît plus que moi, ce qui veut dire presque tout le monde, je pose des questions. J’apprends beaucoup des personnes que je rencontre." 

Il montre une carte de la rivière Bonnechere que l’arpenteur Alexander Murray a dessinée en 1853 et qui relève la présence de canaux souterrains. Sur ses traces, des bûcherons se sont installés dans la région. La structure de ciment d’un moulin à scie, qui a cessé ses opérations en 1908, est encore visible. 

"Dans les années 1950, mon ami Tom [son premier employeur] a eu une idée. Déjà, aux États-Unis, les gens développaient le tourisme. Tom a eu cette idée : "si je bloquais l'eau, si je créais une entrée et si je mettais des lumières et un trottoir de bois, j'aurais peut-être une attraction touristique."

La grotte a ouvert au public en 1955. Et lui y a passé plus de 40 étés. 

Item 1 of 2

Petite, Cindy Jamieson partait à vélo à l’insu de ses parents pour aller affronter les rapides de l’Outaouais. Elle a fait son bonhomme de chemin et a parcouru la planète avec son kayak d’eau vive. 

Mais c’est à Beachburg qu’elle a décidé de s’établir, près de la rivière qu’elle aime tant. Aujourd’hui, elle exploite une jolie auberge, la Whitewater Inn, organise des voyages et est guide à vélo.

D’origine écossaise, Cindy aime particulièrement les histoires du temps des bûcherons. 

Les Écossais, les Irlandais et les Canadiens français coupaient les arbres de jour, vivaient bonnement le soir. Elle enchaîne les exploits de la drave, les familles qui ont lentement formé une colonie dans la région, les soirées animées et arrosées. 

"Mon grand-père disait : ‘Ici, si on secoue un pin, il en tombe des violoneux’." Elle évoque les histoires des personnages colorés comme Joe Montferrand. 

"Mais bien sûr qu’ils se battaient, dit-elle. Ils se battaient contre tout le monde, même entre eux," lance-t-elle en riant.

Leur mémoire demeure bien vivante dans la région.

Sur son vélo, elle avale les sentiers qui longent la rivière comme les draveurs roulaient sur les grumes, qui descendaient le torrent de la rivière. À ses yeux, ces bûcherons étaient autant sinon plus intrépides que les kayakistes qui dévalent les rapides.

Elle encourage ses hôtes à explorer les sentiers et les routes de la vallée de l’Outaouais, comme les sentiers de vélo de montagne BORCA, sur lesquels elle veille avec un groupe de passionnés. On peut d’ailleurs louer des vélos au Whitewater Inn.

"J’aime être loin des endroits où l’on trouve des gens et des voitures," dit-elle. Sur l’eau ou dans les sentiers.

Toute cette histoire est aujourd’hui tissée par la Route Champlain, portée par des humains, des entrepreneurs et des guides qui brillent par leur authenticité et leur attachement au territoire.

Ils racontent les Premiers Peuples, les voyageurs, les arpenteurs et les bûcherons.

La Route Champlain propose une expérience personnelle, profondément humaine, qui nous ramène à notre place sur la Terre. Elle est garante d’inspiration et livre une expérience profonde.

Andréanne Joly

Andréanne Joly aime explorer, fouiller et faire découvrir la francophonie de l’Ontario et ses espaces touristiques. Elle le fait depuis 20 ans et le ferait encore 100 ans! Par leur richesse, leur beauté et leur diversité, les destinations ontariennes ne cessent de l’épater. À titre de journaliste et de rédactrice, elle collabore régulièrement avec NorddelOntario.ca, l’Alliance du tourisme culinaire, Francopresse.ca, le journal Le Voyageur, etc.

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